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La prison, "asile républicain" ?
www.franceinfo.fr/ france info 6 novembre 2013

La prison est-elle en train de devenir une annexe des hôpitaux psychiatriques ? C'est ce que dénoncent des membres du personnel soignant en milieu carcéral. Au centre pénitentiaire de Meaux en Seine-et-Marne, sept des dix médicaments les plus distribués sont des psychotropes. 15% des détenus consultent un psychiatre.
Ça lui a fait comme un flash. Quand il s'est réveillé après sa première nuit en détention, "Nome", quadragénaire, a cru avoir 10 ans. Le fait d'être à nouveau dans un lit superposé. "Nome" a ensuite eu d'importants troubles du sommeil. "Toutes les nuits, je pensais, je pensais". Il a pris un somnifère, plusieurs mois. Aujourd'hui, même si la séparation d'avec sa famille le fait souffrir, il ne prend plus de cachets. Parler avec le psychiatre est, dit-il, suffisamment "relaxant".

Comme "Nome", 15% des détenus du centre pénitentiaire de Meaux consultent un psychiatre. Contrairement à lui, beaucoup prennent des psychotropes. Sur les dix médicaments les plus distribués, sept relèvent de cette catégorie. Pour aider à surmonter les difficultés liées à la prison : "promiscuité, parfois insécurité, bruit, cela fait effet boule de neige", note Charlotte Fetton, psychologue au sein de la prison. Mais il faut aussi traiter des "malades mentaux", constate Sébastien Coulot, médecin responsable de l'unité sanitaire. "Ils sont captifs, privés de leurs moyens habituels de régulation - alcool, cannabis ou autre - et on doit faire face à des décompensations".

Infirmière de secteur psychiatrique, Angélique* va plus loin. "On a le sentiment que la prison devient l'asile républicain, avec des détenus qui n'auraient rien à faire ici. Ils sont en rupture de soins à l'extérieur parce que l'hôpital ne les prend plus en charge assez longtemps, pour des questions de coût". Dans l'infirmerie le téléphone sonne. Un détenu a avalé toute sa boîte de médicaments. Une semaine de traitement. "Ce n'est pas forcément une tentative de suicide", explique une collègue d'Angélique. "Il y a des gens qui ne sont pas connectés partout comme il faut, qui voient un paquet et se disent : 'ah, je ne sais pas quoi faire, j'avale'".

*Cette soignante a préféré rester anonyme, son prénom a été modifié.